Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
Il y a peu d'années, on entendait encore dans certaines
zones de l'establishment, (qui ont d'ailleurs cessé d'en faire partie
depuis) : "l'intelligence économique? ah oui, l'intelligence
à pas cher!" Ce temps est révolu. De ce que nous avons entendu
ce matin, la "business intelligence", la gestion intelligente du savoir
dans une société où la création de valeur et
la connaissance sont de plus en plus liées, apparaît de plus
en plus central dans les enjeux de compétitivité, et plus
largement, de performance pour un très grand nombre de formes d'organisations.
Il est d'ailleurs symbolique que la seconde visite du ministre de l'économie
des finances et de l'industrie hors de ses murs sitôt après
sa nomination ait été pour un incubateur dans le "silicon
sentier", lieu où s'élaborent les logiciels nouveaux qui
sont à la base de cette nouvelle source de richesse, et des moyens
de les vendre, et qui compte déjà près de 300 entreprises
nouvelles, pour la plupart de moins de 3 ans d'âge. De même,
la semaine dernière le secrétaire d'Etat à l'industrie
ouvrait la conférence annuelle de l'IHEDN consacrée à
l'intelligence économique : ce sujet, cantonné jusque vers
1995 à quelques spécialistes, est désormais
central, pour tous. Il l'est en France. Il l'est en Europe, dont les institutions
commencent à s'en préoccuper. Il l'est aussi, bien sûr,
aux Etats Unis, où le discours de Bill Clinton à l'université
de Caltech en janvier insistait sur la croissance de l'effort de recherche
publique, en 2001, sur des logiciels aidant à mieux se retrouver
dans la marée montante d'une information toujours plus disponible,
diffuse, diverse, reprenant en cela les recommandations du PITAC.
Sans prétendre épuiser et l'assistance et
le sujet, que d'autres ont déjà eu mieux que moi l'occasion
d'illustrer, j'articulerai mon propos sur les points suivants :
-
les enjeux pour les entreprises, prises en général
-
les évolutions récentes de leurs réactions,
tant pour les grandes que les petites et moyennes
-
les évolutions macroéconomiques qui en résultent
-
les principaux enjeux pour les Etats, et, singulièrement,
pour la France.
I Les enjeux pour les entreprises :
L'innovation est le mot clef : les technologies de l'information
ont d'abord permi la gestion collective de l'épargne de façon
massive, et par là, la prise de pouvoir de l'actionnariat. Cela
exige des entreprises, partout dans le monde, des efforts de rentabilité
qu'elles ne peuvent trouver qu'au prix d'un rythme d'innovation beaucoup
plus soutenu qu'auparavant, source de croissance. En somme, nous revenons
avec la troisième révolution industrielle dans une phase
Schumpeterienne de destruction créatrice, source de croissance et
d'emplois nouveaux, plus qualifiés. Or, la gestion des connaissances
est une source essentielle de cette qualification déconcentrée
de façon diverses à tous les agents des entreprises :
* pour les
nouveaux produits, où la perception des attentes du marché,
des dernières avancées technologiques, de la connaissance
précise de la concurrence, des droits de propriété
intellectuelle et industrielle, sont des variables clefs, qui nécessitent
des intranets et extranets performants.
* pour les
nouveaux marchés, l'internet créant, tant pour le B2B que
pour le B2C, (voire le C2B où les acheteurs se groupent pour acheter
moins cher), à la fois des possibillités énormes nouvelles
(tel site de vente de vins a vu sa demande exploser d'endroits aussi imprévus
par son marketing initial que le Japon, l'Australie, l'Amérique
latine), avec des déplacements considérables de chaîne
de valeur, mais aussi un champ concurrentiel accru.
* pour les
nouveaux procédés, où la comparaison de méthodes
est accélérée dans de grandes proportions par les
possibilités des intranets et extranets, et où le travail
coopératif, la "coopétition" où des entreprises sont
à la fois concurrentes sur certains segments, et en coopération
sur d'autres, se développe.
* pour les
modes de travail, et les gains de productivité induits, où
les changements organisationnels au sein des entreprises induits par les
intranets sont considérables, et pour une large part encore devant
nous : un rapport du Sénat américain de novembre indiquait
ainsi une croissance de 25% du télétravail l'an dernier.
Mais aussi, des pyramides hiérarchiques laissent place à
des fonctionnements en réseaux virtuels, par projets, qui modifient
profondément les légitimités, les réactivités,
les relations au sein des entreprises.
La bonne nouvelle est que le solde peut être fortement
positif : là où, voici trois ans encore, les économistes
peinaient à trouver des idées pour que l'emploi parvienne
tout juste à couvrir l'afflux de nouveaux entrants sur le marché
du travail, on est désormais avec des soldes très nettement
positifs, et, sur les trois ans qui viennent, des perspectives souriantes,
(près d'un demi million d'emplois) pour autant que des phénomènes
spéculatifs ne viennent pas fragiliser la renaissance d'un tissu
industriel dynamique, fondé sur de nouvelles entreprises, et de
nouveaux métiers, et que la concurrence de fait accrue dans laquelle
se trouvent désormais les Etats trouve des réponses appropriées,
qui, à leur tour, joueront en faveur des entreprises.
L'évolution de l'investissement des entreprises
depuis 25 ans est marquée par une constante augmentation de la part
immatérielle, de moins de 15% du total au milieu des années
70 à plus du tiers aujourd'hui. Or, sous les rubriques statistiques
de l'investissement immatériel, on trouve de la formation, de la
recherche développement, du marketing et des études de marchés,
de la publicité, des brevets et des marques, tous sujets qui renvoient
au capital de savoir des entreprises, et à leur capacité
à l'accroître, à le valoriser, à en induire
des innovations et des sources de croissance. C'est dans ce contexte
qu'émerge une société de l'information, où
une large part de la valeur est fondée sur la capacité cognitive
des individus et des organisations qu'ils constituent. Rappelons en les
principaux éléments :
* L'explosion
d'internet d'une part, des intranets et extranets d'autre part, en sont
depuis un lustre la plus évidente manifestation. On est ainsi passé
d'un réseau reliant environ 2000 ordinateurs en 1985 à un
système interactif entre plus de 200 millions de micros aujourd'hui,
soit une croissance au rythme moyen voisin d'un doublement tous les cent
jours…
* Concomitamment,
les progrès des moteurs de recherche transformaient, pour tout ce
qui relève de l'intelligence économique, comme pour la recherche,
des métiers patients d'accumulation documentaire, au profit de sélections
parmi des sources pertinentes de plus en plus nombreuses. On passait ainsi
dans un premier temps d'une logique de gestion de stocks à une pratique
de sélection de flux, et dans un second temps, qui est aujourd'hui
ce que nous voyons, à une sélectivité et une organisation
toujours meilleure de l'information ainsi sélectionnée.
* Ensuite,
les coûts de transmission de données étaient divisés
de deux ordres de grandeur par les protocoles IP. La concurrence des grands
réseaux de télécommunication continue d'abaisser ces
coûts, et l'annonce récente par C Pierret de l'ouverture de
la boucle locale va renforcer cette donne. L'apparition de techniques de
hauts débits, à commencer par l'ADSL, accroît aussi
la possibilité de mise en ligne d'information, et de leur appropriation
à bas coût.
* Enfin, l'acculturation
des usagers se fait, assez rapidement dans ce pays déjà accoutumé
de longue date par le minitel à des informations numérisées,
ce qui se traduit par un rattrappage : l'an dernier, il s'est vendu en
France plus de micros que de téléviseurs. Le parc des portables,
technologie dont la diffusion a été 10 fois plus rapide que
le téléphone, devraient encore doubler en nombre d'ici 3
ans, et des sondages indiquent déjà que près de 20%
d'utilisateurs de portables sont près à passer au WAP sitôt
son apparition en grand public, ce qui multipliera les possibilités
d'usage nomade.
De fait, cette explosion transforme la vie dans les entreprises
:
-
elle change l'approche des marchés, et révolutionne
le marketing : là où il fallait des investissements considérables
pour s'implanter localement, l'accès au marché via le commerce
électronique est souvent désormais possible. Il permet d'identifier
de nouveaux clients, auparavant hors d'atteinte. Mais il met aussi en concurrence
plus largement les entreprises, ce qui déplace la valeur ajoutée,
modifie les stratégies de prix, rend plus nécessaires des
différenciations par tout ce qui relève de la compétitivité
hors prix. Quelques chiffres, illustrant la réactivité nouvelle
requise : un visiteur captif d'un portail est valorisé aux
alentours de 3000€, l'achat de Mannesmann par Vodaphone et quelques
opérations suivantes ayant en l'espèce déplacé
(provisoirement?) ce chiffre vers le haut. Un espace publicitaire a 80%
de plus-value en moyenne pour l'entreprise disposant d'un portail. On dispose
en moyenne de 8 secondes pour convaincre un nouveau visiteur...et la durée
de vie moyenne d'un lien html est de 45 jours. La banque, la distribution,
l'assurance, voient leurs métiers de base complètement modifiés
par ces réalités, et leurs approches du client également.
-
Elle révolutionne la communication interne, les réseaux
internes allant jusqu'à rendre parfois le téléphone
obsolète, au profit d'intranets et de messageries, accessibles presque
n'importe où et n'importe quand. Elle pose aussi la question de
la surinformation, des règles pratiques à instaurer pour
que l'on n'aboutisse pas in fine à des pertes de compétitivité,
qu'on observe lorsque chacun se sent obligé de suggérer à
tous la lecture de sa dernière trouvaille de 10 Mo, ou à
la quête vaine et lente d'information par des cadres perdus dans
le labyrinthe qu'ouvre à leur curiosité des moteurs de recherche
sous-utilisés ou obsolètes…
-
Elle facilite les alliances, en même temps qu'elle
induit, par les marchés financiers, une tendance au recentrage des
grands groupes et une accélération des opérations
de fusions et acquisitions, qui deviennent ainsi un enjeu crucial : ainsi
ces opérations ont-elles l'an dernier concerné 10% de la
capitalisation boursière mondiale, contre 4% au début de
la décennie.
-
Elle rend plus accessible l'information technique et scientifique,
mais simultanément, rend plus aigus les problèmes de gestion
de la connaissance, face à une offre surabondante.
-
Elle offre de beaux jours aux métiers de la logistique,
dont la qualité devient un enjeu crucial…
-
Elle modifie potentiellement le champ du dialogue social.
-
Elle accroît la concurrence entre territoires pour
la localisation d'activités.
II Les évolutions des entreprises :
Sur cette question, les évolutions comme les problématiques
diffèrent selon la taille des entreprises :
-
Pour les grandes, toutes sont désormais équipées
d'intranets, et de système de gestion de l'information performants.
Mais des différences notables demeurent sur la qualité de
ces systèmes, sur leur degré d'intégration dans les
modes de gestion globaux de l'entreprise, sur la sécurité
qu'ils offrent (tant vis-à-vis de pannes que d'agressions extérieures,
voire, intérieures). Il y a donc un marché important dans
les années qui viennent. Il suppose aussi le développement
de logiciels, pour lesquels les efforts, publics et privés, développés
à l'échelle mondiale, sont désormais considérables.
Il est très clair que la gestion du savoir est pour elles un enjeu
crucial : les plus performantes ont vu leurs indices boursiers doubler
l'an dernier, trois fois plus vite que la moyenne des 500 premières
du Standard & Poors, ce qui, même déflaté des effets
spéculatifs constatés en particulier de novembre 99 à
la mi-mars 2000, est très significatif : or, ces entreprises sont
très intensives en R&D. Dans les sciences de la vie, les entreprises
pharmaceutiques les plus performantes voient leurs succès, la sortie
à rythme élevée de molécules performantes,
à des systèmes d'information interne de pointe. Et l'annonce
triomphante au début de l'année de la fin du séquençage
du génôme humain est liée, aussi, à la qualité
de logiciels informatiques permettant de gagner du temps (l'enjeu de la
thérapie génique étant du reste très loin d'être
épuisé par le séquençage : il reste l'essentiel
à faire : les annotations des gênes...). Il faut aussi souligner
les enjeux en termes de ressources humaines que constituent ces techniques
: il n'est presque plus de jeune et brillant chercheur qui n'ait son site
personnel, où il expose et ses sujets d'intérêt professionnels,
et d'autres. Leur analyse systématique devient un enjeu considérable
pour la tâche sans cesse renouvelée de captation de talents,
d'autant plus que la mobilité entre entreprises de ces talents tend
à s'accroître, et qu'ils constituent une part essentielle
d'une valeur reposant sur le savoir.
-
Pour les PME, le rapport de JM Yolin sur internet et les
entreprises dans sa version diffusée au début de cette année
montre les progrès accomplis, mais aussi que la tâche est
loin d'être achevée : le taux d'équipement, les
capacités techniques des outils utilisés et les qualifications
des utilisateurs restent en deçà du souhaitable : si la croissance
d'internet est exponentielle en France depuis 95, et avec un début
de rupture de rythme dans le sens d'une accélération fin
98, poursuivi en 99, elle reste derrière l'Allemagne et le Royaume
Uni en nombre de domaines (même si les statistiques de l'AFNIC peuvent
sous-estimer la réalité, pour des raisons liées au
nommage, et que des enquêtes comme celle de l'UFB Locabail, qui vont
dans le même sens, ne sont pas exhaustives). C'est pourtant pour
elles que les changements sont en fait les plus notables : car elles sont
désormais confrontées à des marchés globaux,
comme les plus grandes. Et aussi, car la création d'entreprises
liées au NTIC, qu'il s'agisse d'entreprises de services ou d'entreprises
high tech, a reçu un coup de fouet par cette voie : le capital risque
est passé de 7 GF en 1997 à 18GF en 98, aura probablement
plus que doublé encore en 99, et les projets nouveaux sont en train
de créer de nouveaux entrepreneurs, plus jeunes, en même temps
que de révolutionner les perspectives de carrières des diplômés
de l'enseignement supérieur. S'agissant des moyennes entreprises,
diverses études du secrétariat à l'industrie ont montré
la corrélation de leur croissance avec leur capacité à
gérer convenablement leurs systèmes d'information.
-
Globalement, l'ensemble des marchés de gestion du
savoir en France devrait ainsi croître très rapidement dans
les métiers informatiques pour arriver à la 5è place
l'an prochain, avec un ordre de grandeur de 1GF/an de chiffre d'affaires
(conseil et software). C'est ce qui explique le grand succès d'entreprises
comme Business Objects, Cap Gemini, ou d'autres, plus petites
mais très dynamiques dans différents segments (Arisem, Linbox,
par exemple), ainsi que l'activité marketing considérable
développée par les "grands" anglo-saxons tant du conseil
que du service informatique (IBM, Microsoft)
III Evolutions macroéconomiques :
Sans que ce soit ici le lieu de s'étendre sur la
nouvelle économie induite par les technologies de l'information,
il suffit de mentionner quelques chiffres :
-
les technologies de l'information en tant qu'industrie dépassent
désormais 5% du PIB en France, davantage que l'automobile et l'énergie
réunis, avec un chiffre d'affaires de près de 130 G€,
et une profitabilité élevée (étude SESSI de
juin 1999). Surtout, dans les activités nouvelles qui se créent,
une part croissante est liée aux NTIC (jusqu'à 40% selon
un article récent, aux Etats Unis, même si cette appréciation
quantitative mérite vérification et prudence).
-
Elles peuvent contribuer fortement aux gains de productivité
des autres secteurs : aux Etats Unis, ces gains ont été de
4% en 98, apparemment davantage l'an dernier, et de nombreux travaux tendent
à montrer le rôle d'une information mieux maîtrisée
dans ces gains. A leur tour, ces gains de productivité induisent
des mécanismes vertueux de croissance, que nous voyons à
l'œuvre depuis huit ans désormais outre Atlantique, avec des taux
de croissance de plus de 4%, et un chômage qui avoisine aujourd'hui
4%.
-
Surtout, elles peuvent induire une plus grande réactivité
en faveur de l'innovation, par le décloisonnement qu'elles impliquent.
C'est ainsi que le MEFI a mis en place récemment un tableau de bord
de l'innovation qui permet de mesurer cette tendance, de façon concrète.
-
L'ensemble se traduit par des résultats sur l'emploi
que chacun constate, et qui, comme je l'ai dit en introduction, de façon
prévisionnelle laissent espérer encore des marges de manoeuvre
importantes, à condition que les évolutions de compétences
se fassent à un rythme suffisamment rapide.
IV Enjeux pour l'Etat :
Elément majeur dans l'évolution de la performance des
entreprises, la gestion de l'information l'est aussi, naturellement, pour
l'Etat : souligné dans le lancement par le Premier Ministre du thème
de la société de l'information à l'été
1997, précisé lors de sa présentation du PAGSI de
janvier 1999, renforcé par ses interventions à Hourtin à
l'été 99, cet enjeu se traduit à la fois par une prise
de conscience, des lois, des ressources, et des évolutions pratiques.
-
une prise de conscience :
Elle se transmet à la fois par une expression publique de
priorités, dont j'ai rappelé quelques exemples ci-dessus,
et par des rapports, parmi lesquels il faut mentionner le rapport Baquiast
sur le développement d'internet et d'intranets au sein des administrations
l'Etat, celui sur internet et les PMI, qui en même temps conduit
l'Etat à avoir une offre plus structurée et rationnelle,
le rapport Lombard sur le brevet, le rapport Lefas sur l'information économique
des entreprises, le rapport d'Attilio sur les collectivités locales,
ou certains aspects développés dans les groupes de travail
annexes au rapport Lorentz de février 99 sur le commerce électronique,
ainsi que des opérations médiatiques comme les Electrophées.
Le site " adminet " mis en place par les soins du conseil général
des mines en recense 63, ce qui me vaudra sans doute la vindicte des 58
auteurs que je n'ai pas cités : qu'ils veuillent me pardonner :
cette profusion prouve en elle-même la nature très réactive
et déconcentrée de ce sujet.
Tous les grands pays industrialisés ont un programme pour
la société de l'information.
* Il se traduit pour
le sujet qui nous occupe dans les lois de finances, principalement par
des mesures en faveur de la R&D, mais aussi par l'évolution
donnée, au travers des budgets de l'éducation nationale ou
de la formation, à une meilleure maîtrise des outils d'accès
à l'information par chacun, et par certaines mesures favorables
à la création d'entreprises technologiques.
* Elle passe également
par des négociations internationales (celle sur les brevets avec
les perspectives de la conférence de Londres, comme des objectifs
des Etats Unis et à l'OMC, celle sur le nommage est récurrente),
par la libéralisation du cryptage fort, qui ouvre aux entreprises
des possibilités nouvelles en matière de quête d'information
sécurisée entre filiales distantes.
* Elle passe aussi par
le souci de la protection des personnes et de la vie privée, sans
laquelle le développement de ces nouvelles technologies ne serait
pas perçu comme favorable par la majorité de la population,
et serait, dès lors, freiné.
* Dans le cas français,
elle comprend aussi la loi sur l'innovation de 99 qui, en favorisant une
évolution culturelle au sein de l'appareil de recherche, pourra
contribuer à une meilleure gestion des connaissances pour l'ensemble
de la société.
* plus fondamentalement
sans doute, nous devrons traiter le changement même, à terme,
des modes de consultation démocratique et de création d'expertise,
que permettent les TIC, avec d'immenses avantages (l'interactivité,
la rapidité, la transparence, la richesse de contenu) et de grands
risques à prévoir aussi (la superposition dans le temps et
l'espace de lieux de débats démocratiques sur des sujets
identiques ou connexes, au point d'en rendre la lisibilité difficile,
les risques d'appropriation sans rapport avec leur poids réel par
des minorités de débats publics, les risques de surréactivité
à court terme, ou de sous-réactivité sur des enjeux
de long terme, l'évolution vers des formes de communautarisme qui
établiraient des droits locaux dont la compatibilité
s'avérerait problématique...)
* de façon synthétique,
Christian Pierret devrait annoncer sous peu les principaux axes de la
loi sur les TIC.
Elles sont principalement de deux ordres : humaines, ce dont témoigne
l'activité fébrile qui fait surgir partout des sites, et
une administration plus interactive, plus dispensatrice de ses connaissances,
tout en ayant le souci de conserver au marché de l'information tout
son rôle. Financières, comme il a été dit, par
du soutien à la R&D (par exemple, le programme " oppidum " sur
la sécurité des systèmes d'information, qui accompagne
la libéralisation du cryptage ou encore l'appel à propositions
sur l'utilisation collective d'internet par les PMI), et enfin, d'investissement,
dans les équipements nécessaires à la modernisation
des administrations.
-
des évolutions pratiques :
Cet ensemble porte ses fruits :
* dans le domaine régalien
où la meilleure information sur la législation environnementale
se développe
* dans l'efflorescence
de sites permettant de mieux guider les usagers, particuliers et entreprises,
dans les ressources d'information disponibles (avec des expériences
pilotes des DRIRE intéressantes, la mise en ligne des études
publiques de l'Industrie, ou aussi une interactivité plus forte
avec les programmes communautaires, en particulier ceux tournés
vers l'innovation) ou encore, en interne, le développement d'intranets,
avec l'éclatement de cloisonnements qu'il implique, l'Etat d'aujourd'hui
diffère déjà très sensiblement de ce qu'il
était il y a encore deux ans, et sans doute de ce qu'il sera dans
quelques années. C'est d'autant plus nécessaire que la mondialisation
accrue des groupes rend les problématiques d'attractivité
du territoire à la fois plus aigues et plus complexes à traiter
qu'auparavant, requérant, en théorie du moins, un Etat aussi
réactif que peuvent l'être les entreprises, dans le respect
toutefois de principes généraux comme l'égalité
de traitement.
* Il reste que ces modifications,
qui impliquent des changements structurels parfois considérables,
se sont heurtés aussi récemment à des difficultés,
en matière fiscale, par exemple. Ceci illustre, entre autres, un
aspect de la théorie évolutionniste de l'innovation, qui
a fleuri depuis son acte fondateur en 1982 : l'histoire compte, pour l'évolution
des trajectoires d'innovations. Et l'histoire n'est pas la même selon
les fonctions de l'Etat, comme sont diverses les cultures que ses différentes
composantes comportent, sous des dominantes communes. Ici bâtisseur
ou inventeur, là, redistributeur, ailleurs, répressif, comment
s'étonner que les changements massifs induits par les outils nouveaux
de la connaissance rencontrent des réalités différentes,
et des réactions différenciées. Pour autant, le principe
même des évolutions nécessaires est bien perçu
de tous les partenaires : il faut y voir des raisons d'espérer.
Conclusion
Les technologies de l'information ouvrent vers un monde nouveau,
où tout interagit, où la cité n'est plus une, figée
sur une colline comme l'Athènes antique, mais multiple, ouverte,
mouvante. Pourtant, une constante demeure : dans le Parthénon trônait
une statue d'Athéna, casquée et dotée d'une chouette
: la gardienne de la cité avait les attributs de sa défense,
en temps de guerre, et du savoir, source de sagesse et de prospérité,
en temps de paix. Aujourd'hui, comme alors, l'essor de la chouette est
un enjeu crucial, même si ses modalités ont changé
: c'est sur ces modalités, sur les outils qui les modèlent
qu'il nous faut nous pencher dans les années qui viennent.